La question du chauffage en Russie

Encore une fois, les préjugés sur la Russie peuvent facilement amener certains à penser que tout le monde se caille dans son appartement… Mais la réalité est toute autre !

Le chauffage est entièrement centralisé en Russie à l’exception des dachas (maisons en campagne) ou des petits villages. Néanmoins dans toutes villes, y compris au-delà du cercle arctique, tout le monde a accès au chauffage collectif.

Ce mode de chauffage est un héritage de l’URSS. Néanmoins, il souffre de plusieurs problèmes dont le plus notable est l’absence de régulateur individuel de température. Et parfois il peut faire trop chaud… En plein hiver, il est fréquent que les moscovites doivent ouvrir les fenêtres pour tenter de réguler la température de leur appartement. Nous-même lorsque nous étions à Saint-Pétersbourg, on a eu chaud au point d’entre-ouvrir les fenêtres pendant la journée.

Le chauffage est considéré comme un besoin de base et par conséquent, il a été conçu de manière collective sans particulièrement penser à une quelconque économie. Rappelons que la Russie est le plus grand pays au monde avec un accès à des ressources naturelles très important !

Le chauffage centralisé, lors de la sa mise en place, était considéré comme une avancée technologique et sociale. Encore aujourd’hui, la population pense que l’eau, le chauffage et l’électricité doivent être peu cher voire complètement gratuit, tout comme la santé ou l’éducation. La loi fédérale impose un seuil de 22% des revenus d’un foyer à ne pas dépasser dans ces charges. À Moscou, il est même de 10%. Les retraités et les vétérans disposent également de nombreux autres acquis sociaux, comme la gratuité totale ou partielle des transports en commun ou des soins. Et les russes tiennent encore très fort à leur acquis sociaux.

Gazprom, entreprise privée fournissant l’essentiel de l’énergie en Russie n’a que faire de la modernisation de l’infrastructure. Les pouvoirs publics, corrompus ne visualisent que leurs prochaines élections. La population est extrêmement réticente à payer plus les services de chauffage afin de couvrir les rénovations nécessaires. Et le gouvernement central ne dispose d’aucune stratégie à ce propos, corruption oblige.

Avant de dire que ce n’est pas à l’état d’imposer ça, il faut savoir que par exemple dans le secteur alimentaire, la Russie a très bien imposé l’utilisation de produits russes à des gros groupes comme MacDonalds. Chez ce dernier, 85% des produits utilisés sont d’origine russe.

Bref tout ça pour dire qu’il serait possible de développer une politique de modernisation de l’infrastructure pour peu que le gouvernement impose une ligne directrice ferme, mais il ne le fera sûrement pas à cause des oligarques qui le soutiennent. Tiens, ça me rappelle quelque chose…

En attendant, le chauffage continue de fonctionner mais tôt ou tard, ce sujet reviendra sur le devant de la scène, tout en sachant que ce n’est que la partie visible du problème. Le fond de la question est plus profond et concerne clairement le rôle de l’état, de sa manière d’agir ou non bref des questions démocratiques d’une manière générale.

Effectivement, ça me rappelle bien quelque chose.

Source : La Russie expliquée par son chauffage, Régis Genté, Le Monde Diplomatique, Juin 2014