Derrière la croissance rapide de la Corée du Sud…

Faire passer son PIB/habitant de 260$ à 37 900$ en une cinquantaine d’années (1960 et 2016, respectivement), ça a un coût social énorme et il semblerait que la Corée du Sud commencent tout juste à en payer le prix.

Tout d’abord, il faut savoir que la croissance économique en Corée du Sud est largement due aux chaebols, ces fameux conglomérats d’entreprise. Samsung, Hyundai, LG pour ne citer qu’eux. Certaines ont été créés pendant l’occupation japonaise, d’autres juste à la sortie de la 2ème guerre mondiale. Aujourd’hui, si partout dans le monde, on se méfie des grosses entreprises, ce n’est pas pour rien et il en est de même en Corée du Sud. Par exemple, Samsung, à elle-seule, représente 20% des exportations du pays tout entier… Sans grande surprise, cela donne régulièrement lieu à des scandales politiques liés à la corruption.

Le succès de ces entreprises s’est fait par un dévouement absolu des employé•es. En suivant les préceptes confucéens, les salarié•es se soumettent à leur “maître”, ici leur hiérarchie. Cette mentalité continue d’être en vigueur dans le cadre de l’entreprise où il est mal vu de questioner les décisions, ne serait-ce que demander pourquoi. 15 jours de congés payés mais il va s’en dire qu’il est mal vu de les demander… Il y a peu, la Corée du Sud a tenté de légiférer sur le temps de travail légal et de le baisser à 52h. Les générations passées se sont contentées de ces conditions mais la génération actuelle voit qu’ailleurs les pays avec la meilleure productivité sont aussi les pays où le temps légal de travail est le plus bas. Tiens donc. Alors 90% rêvent d’expatriation, non pas pour gagner plus d’argent mais pour avoir une vie privée et sociale. Les plus aisé•es pourront acheter leur Green card à quelques 25 000 $, sacrifier leur métier de médecin pour aller ramasser des pommes de pin aux USA. N’importe quoi pourvu que ce ne soit plus une vie en Corée du Sud.

Les étudiant•es ne sont pas malheureusement pas mieux loti•es. Souvent dans la presse française, on se lamente des “mauvais” résultats aux classements mondiaux des petits français•es pour mieux encenser ceux des petits coréen•nes (japonais•es ou chinois•es). Effectivement ce genre de résultats peut générer une certaine fierté, c’est humain. Mais à quel prix ? La vie scolaire est un enfer pour ces gamin•es. Il faut être le•a meilleur•e et pour cela les parents dépenseront des fortunes pour divers cours particuliers. Après les cours à l’école, il faut continuer d’étudier encore… Enchaîner un cours particulier à minuit s’il le faut. On dit que des étudiant•es coréen•nes que s’ils•elles dorment plus de 3h par nuit, ils•elles ne réussiront pas. Personne ne veut être celui•elle qui ne réussit pas, celui•elle qui ne rent pas toute sa famille fière ! Dire non est impossible (rapport à la mentalité confucéenne) alors certain•es étudiant•es partent en vrille et décident de se suicider… Ce chiffre augmente malheureusement de plus en plus.

Ceux•elles qui survivent à ce parcours scolaire arrivent enfin dans le marché du travail pour mieux se rendre compte qu’en fait, tout ça c’était pour rien. Faire de longues et très chères études n’a jamais garanti un bon emploi contrairement à ce qu’on leur avait dit. La concurrence est très dure et certains abandonnent complètement une quelconque recherche d’emploi. D’autres changent de filières, choisissent des emplois “manuels” pour mieux s’expatrier.

Et pour terminer la boucle, concentrons nous sur les plus vieux•vieilles, ceux qui ont relancé le pays. Là où traditionnellement, les parents continuaient à vivre avec leur enfants, aujourd’hui les familles sont éclatées et les parents vivent seuls. S’ils veulent espérer quelques aides du gouvernement (alors même que leurs enfants ne peuvent pas les aider), ils doivent couper les ponts avec leur enfants… Ramasser les ordures, du carton ou des canettes, pour les rapporter au centre de tri histoire de grappiller quelques sous. Certain•es optent pour la vente de babioles diverses dans la rue. Les plus “chanceux•ses” auront un peu plus de sous pour investir dans une petite cariole et vendre de la “street food”. Et quand ils en auront bien trop marre, ils iront aussi gonfler les statistiques des suicides.

Ajoutons à cela un problème d’accroissement d’inégalité… Et ça donne l’autre côté du miroir de la “fantastique” réussite des sud-coréens.

Sources :

https://www.theglobeandmail.com/report-on-business/international-business/asian-pacific-business/south-koreas-chaebol-problem/article24116084/

https://www.vice.com/fr/article/kwd5nw/brigade-anti-suicide-coree-du-sud

https://youtu.be/BvckWy8HcRs

https://youtu.be/N-vS9-qYe3A